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Photo du rédacteurFrancesca Cinelli Murray

Twists and turns!

Dernière mise à jour : 30 sept. 2021

(scroll down for the English version)



Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce voyage n’a pas manqué de rebondissements!

La veille de notre départ, nous avons appris que le gouvernement canadien avait décidé d’une nouvelle mesure frontalière : un test PCR obligatoire, y compris pour les voyageurs munis d’une carte de vaccination en bonne et due forme. Ce qui se traduisait pour nous par deux jours d’attente chez Nancy ou à la frontière et, surtout, par deux jours de moins avec Anita et Annita, ma sœur et ma mère… Eh bien nous avons décidé de prendre la route, de faire un test dans une pharmacie à Albany - sans sortir de la voiture, comme chez McDonald -, et de filer vers Alexandria Bay où nous attendait un motel.


La seule connaissance que j’avais de ce type d’hébergement était cinématographique, alors vous pensez, mon imagination s’est emballée : je voyais tour à tour Willem Dafoe, Jack Palance, Mariane Sägebrecht, Susan Sarandon, Geena Davis (et Brad Pit)*, tout en découvrant la monotonie bon marché de ce lieu de passage et de villégiature familiale typiquement américain, avec le parking et le va-et-vient des voitures et des camions sur la quatre voies pour tout spectacle. David, lui, avait déjà fait l’expérience des motels, pour y avoir passé maintes nuits en tournée : « The car becomes an extention of the hotel so that you park right in front of your door. You go from door to door to a gig, keep your instruments close to you, sometimes you leave certain things in the car - but not my

saxophone. It’s convenient. Car is such an important item of American life. Motels are definitely a piece of Americana.»

Un monde très différent du mien et qui prendra, pourtant, une toute autre couleur une fois que nous serons installés. Derrière le motel, le paysage n’a plus rien à voir avec ce symbole de la culture américaine : les méandres de l’archipel des Mille-Îles, décor au mystère d’une infinie poésie, tracent de larges rubans d’eau douce aussi loin que le regard se pose.


Arrivés à Ottawa, l’appartement que nous avons réservé n’est pas sans surprise non plus! Dans un des jolis quartiers de la ville, aux maisons à perron encadrées de végétation, nous posons nos bagages dans un trois pièces dont nous ne doutons pas un seul instant qu’il fait de longue date le bonheur de jeunes étudiants mâles en colocation, « a funky frat male house! ». Peinture très défraîchie, meubles bancals, porte de placard qui tient sur un gond, literie bas de gamme, poubelle et frigo pas vidés, congélateur pris dans les glaces du Grand Nord et, cerise sur le gâteau, pas plus de clim’ que de ventilateur, la chaleur de l’été de l’Outaouais n’ayant rien à envier à New York!


Le propriétaire, absent, promet d’arranger « ça ». C’était sans compter sur les ressources extraordinaires de cette maison! Le lendemain soir, alors que nous discutons sur le canapé du salon, une ombre noire aux ailes pointues débarque d’on ne sait où, rasant affolée le plafond dans tous les sens : une chauve-souris mastard et, surtout, piégée! Nous découvrons en même temps qu’elle que les moustiquaires aux fenêtres sont scellées…!

Nue et paniquée à l’idée des mandibules aveugles de la créature porteuse de rage qui continue de se cogner à tous les angles de la pièce, je me recroqueville sous ma petite serviette de bain pendant que David, seul dans l’adversité, réussit à enfermer la graine de vampire dans une des chambres : elle y passera la nuit suspendue à la tringle du rideau. Le

propriétaire répondant toujours aux abonnés absents, nous appelons les services municipaux. Il paraît que les chauves-souris ont la capacité de s’aplatir à l’extrême pour

passer dans les moindres interstices : je calfeutre la porte. Autant dire que nous avons quitté les lieux dès le matin pour un bon hôtel moderne, « avec vue sur la rivière » nous annonce le réceptionniste triomphant. On ne peut pas se tromper avec Marriott.


Le calme revenu, nous prenons enfin une vitesse de croisière familiale.

Comment vous dire la douceur de miel de retrouver ma sœur, de passer avec ma mère le temps si précieux dont les derniers grains s’écoulent sûrement? Frêle nonagénaire aux longs cheveux tressés, elle a tant changé depuis deux ans. Son grand âge lui joue désormais les tours de la mémoire à trous et de la grande fatigue des tout petits riens. Ces yeux qui la trahissaient déjà depuis longtemps l’ont presque totalement lâchée, elle qui aimait tant lire. Heureusement, rien de tout cela n’a raison de sa bonne humeur et de son humour. Ma sœur, qui n’en est pas démunie, loin s’en faut, entretient cette mécanique de l’esprit et du cœur en jonglant savamment entre le français, l’italien et le ciociario, patois de sa région, chaque langue entraînant les images d’époques différentes de sa vie, la dernière décrochant haut la main la palme d’or du fou-rire... Il n’en est pas moins douloureux de voir son visage interdit, regard perdu, quand elle comprend que ses facultés mémorielles lui font défaut. Nous prenons tous le pli de lui répondre à chaque fois comme si c’était la première, peu importe le nombre de fois.


Je dois dire que j’ai toujours en moi cette part d’enfance où les parents sont forcément immortels. Pourtant, Annita me parle très naturellement de la mort, riant beaucoup de l’après auquel elle ne croit pas du tout. Je le sais, elle me prépare depuis longtemps à ce moment qui pour elle, à la disparition de sa mère, avait été un tel cataclysme que le sol s’était dérobé sous ses pieds. « C’est la vie, ma chérie, il faut l’accepter, nous partons tous un jour, c’est normal, et c’est bien là la seule justice de la vie, mais ta maman sera encore là quand tu reviens. » … Cette vague d’amour!


25 août 2021, New York City



* The Florida Project, Bagdad Café et Thelma et Louise.


photos: 1- Archipel des Mille-Îles 2- chambre avec vue, le Marriott 3- avec ma mère et ma soeur chéries





Twists and turns



The least I can say is that this trip has been full of unexpected twists and turns!

The day before our departure, we learned that the Canadian government had opted for a new border policy: a mandatory PCR test required even for travelers with valid proof of vaccination. This meant to us two days of waiting either at Nancy’s or at the border and moreover, it meant spending two days less with Anita and Annita, my sister and my mother … Well, we decided to get on the road, take a test at a pharmacy in Albany (without leaving the car, as at McDonald’s), then head to Alexandria Bay, where a motel awaited us.


All I knew of such lodgings came from movies, so you see, my imagination ran wild: I pictured in turn Willem Dafoe, Jack Palance, Mariane Sägebrecht, Susan Sarandon, Geena Davis (and Brad Pit)*, all while discovering the bargain-basement monotony of this stop-over, a typically American family vacation spot, with the parking lot and the coming-and-going of cars and trucks on the four-lane highway for entertainment. David had already had the motel experience since he’d spent many nights in them while on tour: “The car becomes an extension of the hotel so that you park right in front of your door. You go from door to door to a gig, keep your instruments close to you, sometimes you leave certain things in the car―but not my saxophone. It’s convenient. The car is such an important

item of American life. Motels are definitely a piece of Americana.” A very different world from my own, which would take on a completely different light once we would settle in. Behind the motel, the countryside had no further connection to that symbol of American culture: the meanderings of the Thousand Island archipelago, an infinitely poetic scene of mystery, traced large ribbons of fresh water as far as the eye could see.


When we arrive in Ottawa, the place we’ve reserved also provides its share of surprises. In one of the city’s lovely neighbourhoods with houses and front steps framed by vegetation, we put down our luggage in a three-room apartment that had long been, no doubt, the happy home of male students rooming together, “a funky frat house” in David words. A very dingy paint job, rickety furniture, a closet door held by a single hinge, cheap bedding, wastebasket and fridge not emptied, freezer encased in the ice of the Great North and, the cherry on the cake, nothing more than a tiny non-rotating fan to cool the air, the heat of the Outaouais summer being nothing less than in New York!


The absentee landlord promises to “arrange it.” All this without mentioning on the extraordinary resources of the house! The next evening, as we’re sitting and talking on the living room sofa, a black shadow with pointed wings takes off out of nowhere, frantically skimming every part of the ceiling: a sturdy bat and, above all, trapped! We discover along with it that the window screens are sealed shut...!

Naked and panicking over the thought of the blind jaws of the rabid creature, which continues to bang itself into every corner of the room, I cower under my little bath towel while David, alone in the face of adversity, manages to trap the vampire’s spawn in one of

the rooms: it’ll spend the night there hanging from the curtain rod. The landlord still being

conspicuously absent, we call municipal services. Apparently bats are able to completely flatten themselves out in order to slip through the narrowest of openings: I caulk the door. Suffice it to say that we leave the premises first thing in the morning and go to a nice modern hotel, one that the receptionist triumphantly describes as having a “view of the river.” We can’t go wrong with a Marriott.


With calm restored, we finally reach a familial cruising speed.

How can I describe the honeyed sweetness of being back with my sister, of spending with my mother such precious time, the final sands of which are surely running out? A frail nonagenarian with long braided hair, she has changed so much in two years. Her advanced age plays tricks on her spotty memory and the deep-felt fatigue over little nothings. Her eyes that have already betrayed her for years have almost completely given out on her, when she loved reading so much. Fortunately, none of this has dampened her good mood or her good sense of humour. My sister, who is not without humorous resources of her own, far from it, maintains this mechanism of heart and mind by skillfully juggling French, Italian and Ciociario, my mother’s regional dialect, each language bearing images of different times in her life, Ciociario handily winning the palme d’or for giggles... But it is no less painful to see her dumbfounded expression, her befuddled look, when she realizes that her ability to remember is failing. We settle in, answering her each time as if it were the first, no matter how many times we’ve done so.

I must admit that I always carry within me that part of childhood when parents are necessarily immortal. Yet Annita speaks to me very naturally about death, laughing a lot about the afterlife in which she places not one bit of faith. I know it, she has been preparing me for this moment for a long time, a moment that for her, when her mother died, had been such a cataclysm that the ground gave way beneath her feet. “That’s life, sweetheart, we have to accept it, we all have to go one day, it’s normal, and it’s certainly the only time life is fair, but your mom will still be here when you come back.” …What a rush of love!


August 25, 2021, New York City


* The Florida Project, Bagdad Café et Thelma and Louise.


photos: 1- Thousand Island archipelago 2- room with a view, Marriott hotel 3- with my beloved mother and sister

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