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Soirée toscane

  • Francesca Cinelli Murray
  • 1 juil. 2021
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 août 2021

« David Linx est à Sienne, on va déjeuner avec lui ? »

Nous voilà partis pour la Toscane! Passé Rome, le paysage se déroule en défilé d’ifs et de cyprès dans l’ondulation verte et dorée des champs et collines. Les notes sucrées de miel des tilleuls en fleurs embaument jusqu’à la quatre-voies déserte où nous roulons vitres toutes ouvertes jusqu’à Sienne sous un soleil de plomb. L’arrivée est spectaculaire : la cité est un joyau d’ocre et de lumière qui domine la vallée. Les rues sont étonnamment paisibles, on dirait que tout est au ralenti, suspendu aux impératifs de la pandémie de COVID, comme dans toutes les villes où nous avons séjourné depuis notre départ en novembre dernier. Le vide touristique révèle l’architecture dans sa toute puissance : elle semble reprendre possession d’elle-même, n’être qu’à la mémoire de ses pierres, et on marcherait bien sur la pointe des pieds pour ne troubler d’aucune façon ce temps compté…


Au détour d’une église, nous découvrons l’immeuble où nous avons loué un deux-pièces. Les dimensions en sont gigantesques, la porte cochère ornée de têtes de lion forgées, le large escalier aux marches de marbre déformées par les centaines d’années et les dizaines de milliers de pas qui l’ont emprunté se dresse sous un plafond à ogives d’une hauteur renversante et l’appartement, d’une sobriété monacale, est tout à la fraîcheur des dalles anciennes et des volets fermés à l’espagnolette sur une cour intérieure où sèche le linge à chaque fenêtre.


David Linx nous a invités à le rejoindre à la forteresse Medici où se tiennent les concerts de fin d’année de l’excellente école de jazz de Sienne. L’ambiance est à la fête, à une légèreté estivale enfin retrouvée. À l’intérieur des murs fortifiés, l’espace immense est d’une beauté délicieuse. La scène est installée sur la droite, l’amphithéâtre en retrait et tout aussi majestueux, les arcades couvertes de jasmin, les tables, nombreuses et animées, où se consomment pizzas et vin frais, sont en premier plan.

Nous sommes heureux de nous retrouver là, en Italie, dans ce lieu effervescent de vie et de talent. Les deux David discutent à bâtons rompus des nombreux amis qu’ils ont en commun - James Baldwin, Toni Morrison, Nathan Davis, Kenny Clark, pour en nommer quelques-uns -, du gospel, élément du jazz dont l’importance est sous-estimée en Europe. Pour en parler si souvent avec lui, je sais l’église essentielle dans le parcours musical et personnel de David M., et que seule l’expérience de ce lieu de vie et d'apprentissage noir américain peut apporter cette dimension américaine au jazz.

David L. a une compréhension particulière du monde noir américain pour un Blanc, loin du bon ton tendance où se planque souvent un racisme latent. Je parle d’une compréhension nourrie d’une curiosité et d’une bienveillance infinies, aussi pour avoir été reçu, apprécié, aimé et adopté pour ce qu’il est, et vice versa, dans cette communauté, pour y avoir grandi, Blanc, dans l’amour et la souffrance de la situation noire américaine. Je m’y reconnais, à moindre échelle. C’est ce que mes 10 années dans la communauté noire américaine à Harlem m’ont appris, fortes du désir d’apprendre et de m’intégrer. C’est extraordinaire de se donner la chance d’absorber les choses en en faisant partie et, à travers le jazz, d’apprendre à se fondre sans se perdre dans une certaine utopie du semblable.


La conversation continue bon train et s’ouvre au gré des musiciens qui s’arrêtent à notre table. Chacun y va de son histoire et tous sont animés de la même passion ! Un professeur de saxophone de l’école raconte comment il s’est mis à son instrument, alors qu’il n’y avait jamais pensé, après avoir vu David M. en concert dans les années 70, quelque part en Italie. Un doux géant de Chicago et une Italienne pleine de vitalité, tous deux contrebassistes, nous invitent dans leur ferme en Toscane. Ils y ont installé un studio d’enregistrement et David pense à l’album de son nouveau trio. Elle nous parle à tous deux

avec un enthousiasme contagieux d’italianité, de musique, se souvenant des séminaires en Sardaigne de Butch Morris, musicien-compositeur-chef d’orchestre qui a défini la

« conduction » (façon de diriger l’improvisation) et grand ami de David, dont il joue très souvent OBE et Spooning, que j’adore…


Et ainsi va notre nuit siennoise entre rencontres, musique et souvenirs. Les effluves capiteux du jasmin nous accompagnent jusqu’à l’hôtel de David L., où nous nous donnons rendez-vous pour le déjeuner promis. La gelateria qui donne sur la grande rue piétonne est encore ouverte : ce sera cioccolato, stracciatella, pistachio e nocciola, avec deux cuillers !


Arce, Italie, juin 2021


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