Jasmin, jazzmen!
- Francesca Cinelli Murray
- 30 mai 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 févr. 2023
JASMIN, JAZZMEN!
It’s been almost a year to the day since I was closing the sky-blue wooden door of my parents’ house to go on tour with David. The passing of my father and Covid with all its restrictions had kept us in France for a few months in between the walls of my childhood. The difficulty of leaving this house, especially my mother’s garden whose poetry surpasses so marvelously the family’s tragedy, the bunches of roses climbing lushly up the east, west

and south walls; the red and white camellias in front of the kitchen; the ivy, medlar, and jasmine spilling over the curve of the outer stoned wall; the peppery scent of wild mint dominating the fragrances of this lost paradise where all memories seemed, at the time of this farewell, gone from me forever.
The slices of life draw themselves from one to the next, without us really understanding how, in a constant push-and-pull between life and death. What dies sculpts what lives. These are not my words but of the great Jean-Claude Ameisen[1], who so eloquently writes of the relation of death and birth.
Over time, I realize that nostalgia comes from what we have not been able to live, from what we will no longer be able to live. The memory itself remains in its incomparable richness. I revisit as I see fit this temporal and geographic space filled with love, expectation, silence, hope, and with hate as well. A smell, a sound, a light, an object, what do I know, a word, sometimes, reminds me of this place and everything that made it come alive for me. Nothing is lost. Everything is left to the imagination.

Here, in my mother’s native land where we are staying for another few days, it’s the headiness of the Milanese jasmine that takes me back to that familiar realm. The twining stems of its thousands of minuscule and potent white flowers overflow balconies, cover entire facades of buildings, twist through railings and openwork doors, mingle with the face of my mother and her beloved brother: the cuttings came from his garden in Arce, from their native Ciociaria.
We don’t have time to travel south to see my family this time. After a concert in Germany, where we met Hamid and Brad for the release of the trio’s album[2], we spent three days in beautiful Vicenza, near Venice, for a concert given in honour of Charles Mingus’s 100th birthday. David had been immersed in the bass player’s world for several weeks “to re-evaluate his music: challenging and reinvigorating!” He arranged Sue’s Changes and Pithecanthropus Erectus, brand new to his repertoire. Pianist Aruan Oritz and multi-instrumentalist Shabaka Hutchings[3] joined the trio: a completely new quintet!

Standing in the wings, a blissful smile on my face, I documented this killer quintet, not knowing if they’d ever play together again. I already knew Aruan because I’d seen him play with different bands in New York clubs and with David last summer in Sardinia. Shabaka, who came with flutes, clarinet and saxophone, is a welcome discovery for me. Two great musicians, both creative as hell! It resonates deep within to hear musicians of this caliber, sensitive masters to their art, improvising, surprising one another in a space that never ceases to amaze me because of the high level of listening and freedom. Nothing humdrum about it… Rumour has it they set the Vicenza Jazz Festival on fire!
May 28, 2022, Milan.
[1] La sculpture du vivant, Points, 2014 et Sur les épaules de Darwin, France Inter. [2] Brave New World Trio, Seriana Promethea, Intakrecords, May 2022. [3] Sons of Kemet
photo 1: the roses of my mother's garden; photo 2: jasmin in Milan; photo 3: bows at the end of Vicenza concert (David Murray, Hamid Drake, Brad Jones, Aruan Ortiz, Shabaka Hutchings)
JASMIN, JAZZMEN!
Il y a presque un an jour pour jour, je fermais derrière moi la porte en bois bleu ciel de la maison de mes parents pour partir en tournée avec David. Le décès de mon père, le Covid et ses restrictions nous avaient retenus tous deux quelques mois en France entre les murs de mon enfance. La difficulté de quitter cette maison, le jardin de ma mère surtout dont la
poésie l'emporte si merveilleusement sur la tragédie familiale, les grappes de roses

grimpantes en écrin sur les murs est, ouest et sud, les camélias rouge et blanc devant la cuisine, le lierre, le néflier et le jasmin débordant sur l’arrondi du mur d’enceinte en pierre, la menthe sauvage couvrant de son parfum poivré le domaine olfactif de ce paradis perdu où tous les souvenirs semblaient, au moment de cet adieu, m’échapper à jamais.
Les tranches de vie se dessinent les unes après les autres sans que l’on sache vraiment comment, dans un jeu permanent entre mort et naissance. Ce qui meurt sculpte ce qui vit. Ce n’est pas de moi, c’est Jean-Claude Ameisen[1] qui le raconte au fil de son écriture et de sa voix.
Avec le temps, je me rends compte que la nostalgie relève de ce que l’on n’a pas pu vivre, de ce que l’on ne pourra plus vivre. Le souvenir, lui, demeure dans sa richesse incomparable. Je revisite comme il me plaît cet espace temporel et géographique semé d’amour, de joie, d’attente, de silence, d’espoir et de haine aussi. Une odeur, un son, une lumière, un objet, que sais-je, une parole, quelquefois, me rappelle à ce lieu et à tout ce qui pour moi l’a animé. Rien n’est perdu. Tout est livré à l’imagination.

Ici, au pays de ma mère où nous sommes pour encore quelques jours, c’est l’ivresse du jasmin milanais qui me ramène à ce royaume familier. Les sarments de ses minuscules et puissantes fleurs blanches par milliers débordent des balcons, couvrent des pans entiers d’immeubles, s’enroulent autour des grilles et des portes ajourées, se mêlent au visage de ma mère et de son frère adoré : les boutures venaient de son jardin à Arce, de leur Ciociaria natale.
Nous n’avons pas le temps de descendre dans le sud pour voir ma famille, cette fois-ci. Après un concert en Allemagne où nous avons retrouvé Hamid et Brad pour la sortie de l’album du trio[2], nous avons passé trois jours dans la jolie Vicenza, près de Venise, pour un concert donné à l’occasion du centenaire de Charles Mingus. David s’était replongé dans l’univers du bassiste depuis quelques semaines « to reevaluate his music : challenging and reinvigorating! » Il a arrangé Sue’s Changes et Pithecanthropus Erectus, du tout nouveau à son répertoire. Le pianiste Aruan Oritz et le multi-instrumentiste Shabaka Hutchings[3] ont rejoint le trio : un quintet inédit!
Installée côté jardin, entre deux rideaux, le sourire au nirvana, j’ai documenté ce quintet de tueurs dont je ne sais s’il se réunira encore jamais. Je connaissais Aruan pour l’avoir vu

jouer avec différentes formations dans des clubs new-yorkais, puis avec David l’été dernier en Sardaigne. Shabaka,
venu avec flûtes, clarinette et saxophone, est une heureuse découverte pour moi.
Deux grands musiciens, créatifs en diable! Ça rayonne jusque dans le ventre d’écouter des musiciens de cette envergure, maîtres sensibles de leur art, improviser, se surprendre les uns les autres dans un espace qui n’en finit pas de me bluffer d’écoute et de liberté. Pas l’ombre d’un ronron… Le bruit court qu’ils ont mis le feu au festival de Vicenza!
Le 29 mai 2022, Milan.
[1] La sculpture du vivant, Points, 2014 et Sur les épaules de Darwin, France Inter.
photo 1: les roses du jardin de ma mère; photo 2: le jasmin à Milan; photo 3: saluts à la fin du concert à Vicenza (David Murray, Hamid Drake, Brad Jones, Aruan Ortiz, Shabaka Hutchings)
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